JUANA DE ARCO EN LA HOGUERA

 

 

 

Personajes

 

LA VIRGEN 

SANTA MARGARITA


SANTA CATALINA

PORCUS

ASINUS


CAMPESINO

CAMPESINO

HERALDO

HERALDO

                    La Virgen María 

            Santa Margarita de Antioquía 

             Santa Catalina de Alejandría

                          Un cerdo 
 
                          Un asno

                     Un campesino

                     Un campesino

                       Un heraldo

                       Un heraldo

                                Soprano

                                 Soprano

 
                             Contralto

                                    Tenor

                                    Tenor

                                      Bajo

                                    Tenor

                                      Bajo

                                     Tenor

 

El resto de los personajes son papeles hablados encomendados a actores.

 

La acción se desarrolla en Ruán, el 30 de mayo de 1431.

 

 

ROLOGUE



(Une scène à deux étages réunis par un escalier 
assez raide. Sur la scène II un bûcher et au milieu 
du bûcher un poteau auquel Jeanne est attachée 
par des chaînes. Pendant la première scène 
obscurité complète)



CHOEUR

(sotto voce)

Ténèbres! Ténèbres! Ténèbres!
Et la France était inane et vide,
et les tenèbres couvraient la face du royaume.
Et l'Esprit de Dieu sans savoir où se poser
planait sur le chaos des âmes
et des coeurs,
sur le chaos des âmes et des volontés
sur le chaos des consciencies et des âmes.

SOPRANO
Du fond de l'engloutissement j'ai élevé
mon âme vers toi, Seigneur!
Ah Seigneur, si vous tardez encore,
qui sera capable de vous soutenir?

CHOEUR
Ténèbres! Ténèbres! Ténèbres!
Et la France était inane et vide,
et les tenèbres couvraient la face du royaume.
Toi, de la gueule du lion
et de la main des unicornes,
sauve-nous, Eli, Fortis, Ischyros!

RÉCITANT
Il y eut une fille
appelée Jeanne!

CHOEUR
Il y eut une fille appelée Jeanne!
Il y eut une fille appelée Jeanne!
Qui, qui, qui a jamais
ouï dire une telle chose?
Qui, qui, qui a jamais
entendu rien de pareil?
Il y eut une fille appelée Jeanne!
Est-ce que la terre enfantera en un seul jour?
Et tout un peuple sera-t-il
engendré dans un même temps?
Du fond de l'engloutissement
j'ai élevé mon âme vers toi, Seigneur!

RÉCITANT
Il y eut une fille appelée Jeanne!

CHOEUR
Fille de Dieu, va! va! va!

RÉCITANT
Est-ce que la France va être déchirée
en deux pour toujours?

CHOEUR
Fille de Dieu, va! va! va!

RÉCITANT
Ce que Dieu a uni, que l'homme
ne le sépare pas!

CHOEUR
Fille de Dieu, va! va! va!
Cet amour qui nous unit à nos frères.
Qui! Qui!
Qui sera capable de nous en séparer?
Pas la violence, ni le découragement, ni la fraude,
et ni l'altitude, ni la profondeur...

RÉCITANT
Il y eut une enfant appelée Jeanne!

CHOEUR
Et la France était inane et vide
et les ténèbres couvraient la face du royaume.
De profundis clamavi ad te,
Domine, Domine,quis sustinebit?

RÉCITANT
Il y eut une vierge appelée Jeanne.


Scène I

Les voix du ciel


(On entend un chien hurler dans la nuit. Une fois.
Deux fois. A la seconde fois l’orchestre se mêle 
au hurlement en une espèce de sanglot ou de rire
sinistre. A la troisième fois les choeurs. Puis silence.
Puis les Voix de la nuit sur la forêt à quoi se mêle
peut-être, très faiblement, la chanson de Trimazô 
et une impression limpide de rossignol. Puis silence
et quelques mesures de méditation douloureuse. 
Puis de nouveau le choeur à bouches fermées.
Crescendo. Diminuendo. Puis les Voix, distinctes)


CHOEUR
Jeanne! Jeanne! Jeanne!


Scène II

Le livre


(Jeanne à demi assise et agenouillée au pied du

poteau éclairée par un réflecteur. Entre au pied 
du bûcher Frère Dominique tenant un livre.)

FRÈRE DOMINIQUE
Jeanne! Jeanne! Jeanne!

JEANNE
Qui m'appelle? Qui est-ce qui m'appelle?
Qui est-ce qui a dit Jeanne?

(Les voix s'estompent progressivement
à
l'imperceptible. Le Réflecteurs sur Fray Domingo)

FRERE DOMINIQUE
Ne me reconnais-tu pas?

JEANNE
Je reconnais l'habit de Dominique,
la robe blanche et le manteau noir.

FRERE DOMINIQUE
Ma robe blanche que mes frères de Paris et de
Rouen ont souillée d'une telle souillure que ni la
soude, ni l'herbe à foulon ne suffiront à l'effacer.

JEANNE
Frère Dominique, la bonté de Dieu y suffira,
et le sang de cette fille innocente.

FRERE DOMINIQUE
Jeanne, ma soeur,
ainsi tu m'as reconnu?

JEANNE
Frère, frère Dominique, nous sommes des
animaux de la même laine!
Et moi, je suis quelqu'un dans le troupeau
qui reconnait la voix de son conducteur.

FRERE DOMINIQUE
Puisque mes frères
et mes fils m'ont trahi;
puisque ceux qui devraient être
la puissante voix du Vrai
se sont faits à contre-Dieu tes
accusateurs et tes bourreaux, Jeanne.
Puisque la parole entre ces mauvais doigts
entremêlés est devenue grimoire,
c'est moi-même, Dominique, moi, Dominique,
qui du ciel suis descendu vers toi avec ce livre.

JEANNE
Dominique, frère Dominique, tous ces temps,
tous ces temps que voici j'ai vu beaucoup de plumes 
à l'oeuve autour de moi.

FRERE DOMINIQUE
Tout cela a fait un livre.

JEANNE
Cette voix terrible qui me questionnait 
et toutes ces plumes sans relâche autour de moi.
Tout cela a fait un livre et moi,
je ne sais pas lire.

FRERE DOMINIQUE
Le livre que je t'apporte pour le comprendre,
il n' y a pas besoin de savoir ni A ni B.
Ce paquet de mots que ces Limousins
sur la terre ont ficelé dans le latin de Fouarre;
cette procédure qu'ils ont pétrie dans le patois
de Coutances, les Anges pour tous les temps 
l'ont traduit dans le ciel.

JEANNE
Lis donc, Frère, au nom de Dieu, pour moi et moi,
je regarde par dessus ton épaule.

FRÈRE DOMINIQUE
(faisant le signe de la croix)
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.
Ainsi soit-il.

CHOEUR
Ainsi soit-il.

(Fray Domingo se trouve sur le premier
barreau 
de l'échelle. Jeanne fait le signe de la croix avec 
ses mains enchaînées)


Scène III

Les voix de la terre

FRERE DOMINIQUE
(lisat)
Jeanne! Jeanne! Jeanne!
Hérétique! Sorcière! Relapse!
Ennemie de Dieu. Ennnemie du Roi.
Ennemie du Peuple.
Qu'on l'enlève,
qu'on la tue, qu'on la brûle!

JEANNE
Hérétique! Sorcière! Relapse!
Frére Dominique!
Tout cela, c'est Jeanne d'Arc? Est-ce vrai?
Est-ce moi qui suis tout cela?

CHOEUR
Hérétique! Sorcière! Relapse!
Jeanne! Jeanne! Jeanne!

JEANNE
Eh quoi!
Ces prêtres que je vénérais,
ce pauvre peuple que j'aimais.
Leur Jeanne, leur pauvre enfant avec
eux c'est vrai qu'ils veulent la brûler?
C'est vrai qu'ils me brûler...

CHOEUR
Assez! Assez! Assez!
Jeanne! Jeanne! Jeanne!
Qu'on l'enlève, qu'on la tue, qu'on la brûle!
Hérétique! Sorcière! Relapse!

FRERE DOMINIQUE
Tu as entendu les voix du ciel, et maintenant
écoute en bas ce qu'ils en ont fait;
écoute ce qu'ils en ont retenu.
Écoute les voix de la terre!

BASSE SOLO
(à la Bach)
Mulier spiritum pythonis habens,
anima quaedeclinaverit
ad magos et ariolos et fornicatafuerit cum eis...


CHOEUR
(violemment)
Joanna!

BASSE SOLO
(de même)
Ponam, ponam faciem meam contra eam
et interficiam eam de medio populi mei!

CHOEUR
(violemment)
lex est!

TENOR SOLO
(Impérieuse)
Joanna!

CHOEUR
Hic, hic, hic, hic, hic est Joanna.
Hic est Joanna peccatrix!

TENOR SOLO
Stryga!

CHOEUR
Pereat!

TÉNOR SOLO
Haeretica!

CHOEUR
Pereat!

TÉNOR
Relapsa!

CHOEUR
Pereat!

TENOR
Malis artibus addicta!
Inimica Regis et Populi!

CHOEUR
Morte moriatur!

TÉNOR
Prostibulum inferni! Instrumentum Satanae!

CHOEUR
Comburatur igne!

JEANNE
C'est vrai! C'est vrai!
Je me souviens! Le feu qui brûle!
Cette fumée qui étouffe!
Oh comme cela fait mal! Prêtres!
Prêtres de Jésus Christ!
C'est vrai que je faisais tant de mal?
C'est vrai que vous la détestiez
tellement, votre pauvre Jeanne?

CHOEUR
(Sourdement)
Pereat!

FRERE DOMINIQUE
Non, Jeanne, ce ne sont pas des prêtres
qui t'ont jugée.
Quand ces bêtes féroces se sont réunies
autour de toi, la rage au coeur
et l'écume aux crocs,
ces prêtres, ces politiques,
l'Ange du Jugement qui tient les hautes balances
d'un soufflet il a fait tomber de leurs têtes
et de leurs épaules la mitre, le capuchon et le froc.

(Entrent les Juges en bottes dans
un coin.)

Les voici dépouillés comme des forçats!
Qu'ils reçoivent la coiffure qui leur est appropiée!
Ils faut que Jeanne comme jadis
ses soeurs sur l'arène de Rome
soit livrée aux bêtes!
L'élue de Dieu, la Sainte de Dieu.
Ce ne sont pas des prêtres, ce ne sont pas
des hommes, ce sont des bêtes qui vont la juger.


Scène IV

Jeanne livrée aux bêtes.

(Entre l’appariteur avec plusieurs serviteurs 
portant les défroques, les masques et les coiffures)

LE HERAUT
(coup de trompette)
La Cour!
Faites silence!

L'APPARITEUR
Qui sera le Président?

LE HERAUT
Le Tigre!

CHOEUR
Le Tigre!

L'APPARITEUR
Le Tigre se récuse.

LE HERAUT
Le Renard!

CHOEUR
Le Renard!

L'APPARITEUR
Le Renard dit qu'il est malade.

LE HERAUT
Le Serpent!

CHOEUR
Le Serpent!

L'APPARITEUR
Le Serpent s'est sifflé lui-même
au fond d'un trou.

LE HERAUT
Mais alors il n'y a personne pour présider?

CHOEUR
Mais alors?
Si! Si! Si! fait! Il y a quelqu'un!

L'APPARITEUR
Qui est-ce? Qui se propose
pour juger Jeanne d'Arc?

PORCUS
Moi! Moi! Moi! Moi! 
Je me propose pour juger Jeanne d'Arc.


L'APPARITEUR
Qui êtes-vous?
Comment vous appelez-vous?

PORCUS
Ego nominor Porcus.
Je m'appelle Cochon.
Moi! Moi! Je suis le Cochon.

CHOEUR
Porcus! Porcus! Roin! Roin! 
Sit Porcus praeses noster!

Non habemus alium judicem nisi Porcum. 
Vivat et semper vivat Porcus porcorum!
Dignus, dignus est praesidere in nostro praeclaro
corpore! Roin! Roin! Sicut lilium inter spinas, 
ita formosus iste inter cucullos!
Quis enim dedit nobis patatas?
Ceciderunt stellae de coelo et factae
sunt pro nobis patatae?
Ecce quam bonum et jucundum est habitare
fratres in unum, omnes comedentes patatas.
Quis judex sicut Porcus Dominus noster?
Hic est Nasus inter nasos
dijudicans truphas et patatas.
Sternutatio ejus splendor ignis.

PORCUS
Moi! Moi! Je suis le Cochon!

CHOEUR
Porcus porcorum! Roin! Roin!
Vivat et semper vivat Porcus praeses noster!

(L’ Appariterr coiffe Porcus d’une tête
de cochon- Le président ouvre la séance)

L'APPARITEUR
Qui sont les assesseurs?

CHOEUR
Bée! bée! bée!

(Tout avance à la fois)

L'APPARITEUR
Qui êtes-vous?

CHOEUR
Ego nominor Péééééécus.

L'APPARITEUR
Pecus de pecore,
prenez-place à droite et à gauche
et recevez vos insignes.

(On les coiffe de têtes de mouton.)

Et maintenant, où est le greffier?

L'ANE
C'est moi, l'Âne! Asinus adest.

(Vient le âne. Immense éclat de rire dans 
le choeur
se terminant par des sanglots.)

CHOEUR
Ha! ha! ha! ha!

ÂNE CHOEUR
(comme aux fêtes de l’Âne au
Moyen Age)

BASSES, ENSUITE SOPRANOS
Ecce magnis auribus
Adventavit Asinus,
Pulcher et fortissimus
Sarcinis aptissimus.

LES AUTRES
Hé Sire Âne,
ça chantez,
Belle bouche rechignez,
Vous aurez du foin assez,
Et de l'avoine à planté,
Hi ha!, hi ha!, hi ha!

PORCUS
Faites entrer l'accusée!

(Entre Jeanne enchaînée.)

Jeanne, successit illi praeclaro tribunali,
je veux dire qu'après de longs efforts
ce sage et illustre tribunal a enfin réussi
par des moyens tour à tour sauves et sévères,
et par de patientes
et ingénieuses interrogations
tant physisques que morales,
à éliciter la vérité du fond d'une volonté égarée
et d'un coeur pervers.

(Le Chœur d'âne éclate soudain de rire)


CHOEUR
Ecce magnis auribus!

LE HERAUT
Silence!

PORCUS
Et maintenant il a plu au Roi de France et d'Angleterre,
notre légitime souverain...

(Tous les lieu, renforcer leurs fausses
têtes et retourner se pour asseoir)

... De te convoquer ici pour entendre ta juste
sentence. Tu vas ouir par quelles industries,
dans sa grande miséricorde cette
Cour sage et illustre que moi,
Cochon, je préside...

(Tous les lieu, saluent et revenir s'asseoir)

... A décidé de te débarrasser grâce à la flamme
claire du feu de ce noir démon à laquelle
tu t'es criminellement enchevêtrée.
Mais auparavant nous voulons encore une fois
de ta bouche cet aveu solennel
qui est nécessaire à la sécurité
de nos consciences.
À genoux!

(Jeanne s'agenouille)

Joanna, filia Romae, faterisne
et confiteris te tenerrimam
puellam non naturali auxilio
victoriam de manibus Regis Nostri...


(Tous les lieu, saluent )

... Evulsisse et fortes exercitus ejus sicut
paleam in probrosissimam fugam versisse?
Traduisez!

L'ANE
Jeanne, reconnais-tu que ce n'est pas
par tes propres forces et des moyens naturels
que tu es venue à bout des Anglais?

JEANNE
Je l'avoue!

CHOEUR
Elle avoue!

PORCUS
Écrivez!

(Le notaire écrit)

Joanna, filia Romae,
faterisne et confiteris te auxilio
Diaboli potentissimi alapum
dedisse Regi Nostro et fortes
exerci tus ejus in probrosissimam
fugam versisse?
Traduisez!

L'ANE
Jeanne,
reconnais-tu que c'est par l'aide du Diable,
très puissant Notre Seigneur...

(Tous font le geste de se lever.)

PORCUS
Assis! Assis! Quels idiots!
Assis au nom du Diable!

(Il arrache le papier des mains de l’Âne.)


Jeanne,
reconnais-tu que c'est par l'aide
du Diable que tu as tout fait?

JEANNE
Je dis: Non!

PORCUS
Qu'est-ce qu'elle dit?

L'ANE
Elle dit qu'elle dit oui!

PORCUS
Écrivez qu'elle a dit oui. Et maintenant
je vais consulter le tribunal.

(S’adressant à droite au premier assis)

Pecus, quid dicis?

PECUS
Bée, bée, bée, bée!

PORCUS
(s’adressant à gauche de même)

Pecus, quid dicis?

CHOEUR
(a cappella)
Bée, bée, bée!

L'ANE
Habemus confitentem reum.

PORCUS
Docti et sancti fratres,
sic vobis justum et aequum videtur
ut Joanna, filia Romae, Stryga,
morti condemnetur?

CHOEUR
(violemment)
Moriatur stryga!

PORCUS
Fiat voluntas Regis Nostri!

(Toutes salut)

Audivistis sententiam.

(Comme au début, montant)

Stryga!

CHOEUR
Pereat!

PORCUS
Haeretica!

CHOEUR
Pereat!

PORCUS
Relapsa!

CHOEUR
Pereat!

PORCUS
Inimica Regis et totius generis humani!

CHOEUR
Morte moriatur!

PORCUS
Joanna Stryga, filia Romae!

CHOEUR
Comburatur igne!


Scène V

Jeanne au poteau

(Hurlement du chien)

JEANNE
Quel est ce chien qui hurle dans la nuit?

FRERE DOMINIQUE
Ce n'est pas un chien,
c'est Yblis le désepéré qui hurle
tout seul au fond de l'enfer!

BASSES
Hérétique!

JEANNE
Hérétique!

BASSES
Sorciére!

JEANNE
Sorcière!

BASSES
Relapse!

JEANNE
Relapse!

BASSES
Cruelle!

JEANNE
Cruelle!
C'est moi, Jeanne, qui suis tout cela?
L'Église, les prêtres, tout ce qu'il y a au monde
de respectable et de capable et de savant;
c'est cela, d'une voix qui me condamne.
Explique-moi, frère Dominique,
qu'est-ce que j'ai fait?
Lis-moi ce qui est dans le livre.

FRERE DOMINIQUE
Tous ces grands hommes qui t'ont condamnée,
ces docteurs et ces savants,
Malvenu, Jean Midi, Coupequesne et Toutmouillé,
ils croient dur au Diable,
mais ils ne veulent pas croire à Dieu.
Le Diable, c'est une réalité:
les Anges, c'est une bêtise.
Le Diable que tu détestais, il t'a aidée:
les Anges que tu invoquais, ils n'ont rien fait.
Et criminelle des deux côtés
ils te condamnent de l'une et l'autre main.
Telle est la sagesse de la Sorbonne.
Tels sont ces illustres docteurs qui donnent
des nazardes au Pape.

JEANNE
Mais moi, la pauvre pastoure de Domrémy,
comment est-ce que je suis venue jusqu'ici?

FRERE DOMINIQUE
Tu y es venue par l'opération du jeu de cartes
qu'un roi fou a inventé.

JEANNE
Qu'est-ce que c'est que le jeu de cartes?

FRERE DOMINIQUE
On va te l'expliquer.


Scène VI

Les rois ou l’invention du jeu de cartes

HERAUT I
(expliquant)
Le jeu de cartes comprend quatre Rois,
quatre Dames et quatre Valets.

HERAUT II
Sans compter les Chiffres qui sont sept.

HERAUT I
Le résultat de la partie est que les Rois
chan gent de place.

HERAUT II
Ce qui était au midi va au nord.

HERAUT I
Ce qui était au levant va au couchant.
Ça tourne.

HÉRAUT II
Quant aux Reines, elles ne changent pas
de place, elles sont toujours là.

HERAUT I
Faites entrer Leurs Majestés!

HERAUT III
(Annonçant)
Le Roi de France!

(Entre le Roi de France qui 
va
s’asseoir sur un trône.)

Sa Majesté la Bêtise!

(Entre la Bêtise.)

Le Roi d'Angleterre!

(Entre le Roi d’Angleterre, un enfant.)

Sa Majesté l'Orgueil!

(Entre l’Orgueil)

Le Duc de Bourgogne!

(Entre le Duc de Bourgogne.)

Sa Majesté l'Avarice!

(Entre l’Avarice.)

HERAUT II
Et quel est le quatrième Roi?

HERAUT I
Dans toutes les parties de cartes il y a un mort.

HERAUT III
(Annonce à la porte)
La Mort!

(Entre la Mort.)

HERAUT I
Et voici maintenant sa compagne
et très fidèle épouse, celle qui partage son lit.

HERAUT III
Sa Majesté la Luxure!

(Entre la Luxure)

HERAUT I
Les Rois changent de place, mais les Reines,
Sa Majesté l'Orgueil, Sa Majesté la Bêtise,
Sa Majesté l'Avarice, Sa Majesté la Luxure,
ces Majestés ne changent pas de place,
elles restent toujours avec nous.

HERAUT II
Mais ceux qui jouent réellement la partie.
ce ne sont pas les Rois, ni les Reines.
ce sont les Valets.

HERAUT I
Faites entrer les Valets!

HERAUT III
Sa grâce le Duc de Bedford!
Son Altesse Jean de Luxembourg!
Sa Grandeur Regnault de Chartres!
Guillaume de Flavy!

(Ils entrent)

JEANNE
C'est lui qui a baissé la herse
derrière moi à Compiègne.

HERAUT I
Le jeu commence, il comprend trois parties.

(Sonnerie de trompettes – Musique de vielle
Il
commence le jeu. Chaque de côté boîte de prises,
deux autres carrés : un de décoratifs chevaliers 
et autres de paysans ; c'est-à-dire trois donnant
Cannée et celui qui les reçoit)

Première Partie

REGNAULT DE CHARTRES
J'ai perdu, je veux dire que j'ai gagné.

BEDFORD
J'ai gagné, je veux dire que j'ai perdu.

Deuxième Partie

GUILLAUME DE FLAVY
La carte maîtresse.

JEAN DE LUXEMBOURG
Je coupe!

Troisième Partie


REGNAULT DE CHARTRES
J'ai gagné!

DUE DE BEDFORD
J'ai perdu!

GUILLAUME DE FLAVY
J'ai perdu, j'ai de l'argent plein les poches.

JEAN DE LUXEMBOURG
J'ai gagné et j'ai de l'argent plein les poches.

GUILLAUME DE FLAVY
Messieurs, je vous livre
Jeanne d'Arc la Pucelle.

BEDFORD
La Sorcière!

REGNAULT DE CHARTRES
Bien le bonjour, Messieurs,
et à l'avantage de vous revoir!

BASSES
(sordide)
Comburatur igne!

Scène VII

Cathérine et Marguerite

(Cloches dans la nuit – des Voix)


JEANNE
Quelles sont ces cloches dans la nuit?

FRERE DOMINIQUE
Les cloches qui sonnent le glas.

JEANNE
Et qui invitent les bonnes âmes 

à prier pour Jeanne d'Arc.

FRERE DOMINIQUE
Hérétique! Sorcière!
Cruelle! Relapse!

BASSES
(sordide)
Comburatur igne!

JEANNE
Merci, bonnes cloches! Mes soeurs! Mes amies!
Mes voix qui s'étaient tues,
les voilà de nouveau qui parlent!

FRERE DOMINIQUE
La cloche noire et la cloche blanche!

BASSES
Comburatur igne!

(Les deux cloches sonnent à la fois)

CATHERINE
De profondis clamavi ad te,
Domine.

MARGUERITE
Spera, spira! spera, spira! Jésus! Marie!

CATHERINE
Libera me, Domine, de ore leonis
dum veneris judicare saeculum per ignem.

MARGUERITE
Spera, spira! spera, spira!
Jésus! Marie!

BASSES
Comburatur igne!

JEANNE
Catherine et Marguerite.
Je les reconnais!
La Catherine qui dit "De Profundis"
et la Marguerite bleue et blanche dans
le ciel qui dit "Papa! Maman!"
Comme je les écoutais jadis à Domrémy,
la Catherine et la Marguerite! Jésus! Marie!
J'ai écrit ces deux noms sur ma jolie
bannière bleue et blanche.
Jésus! Marie! Catherine! Marguerite!
Et moi; ce petit bout de femme
dans les orties et les boutons d'or,
si ébahie qu'elle oubliait de manger
sa tartine.

CATHERINE, MARGUERITE
(Soudain violent)
Jeanne! Jeanne! Jeanne!
Fille de Dieu, va! va! va!

JEANNE
J'irai! J'irai! Je vais! Je suis allée!
Où est ma bonne épée!

CATHERINE, MARGUERITE
Jeanne! Jeanne! Jeanne! Prends le Roi!
Ramène le Roi de France!

JEANNE

C'est fait! Je le tiens! J'ai pris son cheval
par labride! Je ramène mon gentil Roi!
Je le ramène à travers la forêt!
Je le ramène à travers la France!

Scène VIII

Le roi qui va-t-a rheims.

(Cloches dans le lointain)

CHOEUR (dans la lointain)
VOIX D’ENFANTS (plus proches)
Voulez-vous manger des cesses?
Voulez-vous manger du flan?
Quand irons-nous à Liesse?
Quand irons-nous à Laon?

BASSES
La! la! la! la!

LES AUTRES
(Dans le tumulte)
Heurtebise! Heurtebise!

(Entre un cortège rustique escortant le Géant
Heurtebise, qui n’est pas autre chose qu’un moulin 
à vent avec un grand chapeau de paille effilochée 
et une meule sous le bras comme une miche)

Chanson D’Heurtebise

CHOEUR
Blanche ou grise Heurtebise
Trouve que la farine altère,
Heurtebise, mon compère,
Qu'as-tu fait de ta ménagère?
Tout habillé de toile écrue
Lustucru!
Au prix de son beau blé jaune
Réclame du vin de Beaune.
Heurtebise, mon compère,
Qu'as-tu fait de ta ménagère?
Tonneaux! tonneaux! tonneaux!
la v'là qu'arrive par la Saône
La Mère aux Tonneaux de Beaune,
Tonneaux! tonneaux! tonneaux!

CHANSON DE LA MERE AUX TONNEAUX
Le vin de Beaune et de Troyes
Le v'là qu'arrive tout droit.
Heurtebise, mon compère,
T'as retrouvé ta commère.
Nous avons bu trop de bière!
Il nous faut du vin joli!
Heurtebise, mon ami,
Tu n'auras plus la pépie!
Heurtebise, c'est fini
De ce bouton sur la langue,
Heurtebise, c'est fini
De rage et d'esquinancie!

(Heurtebise et la Mère aux Tonneaux 
se
saluent solennellement.)

HEURTEBISE
(avec l’accent picard)

Mère aux Tonneaux,
il y a longtemps que je vous ai vue.

LA MERE AUX TONNEAUX
(avec l’accent de Bourgogne)
Heurtebise, mon époux, vous avez bien
mauvaise mine, mon pauvre, depuis
l'temps autrefois jadis que je vous ai pas vu.

HEURTEBISE
Madame Tonneaux, mon épouse, je vous apporte
de la bonne galette au lard de Picardie.

LA MERE AUX TONNEAUX
Heurtebise, mon époux, qui virez à tous
les vents, je vous apporte quelque chose
qui vous fera t'nir tranquille.

HEURTEBISE
Tonneaux, Tonneaux, ma femme!
Tonneaux, Tonneaux, ma femme!
Le bon pain de France et le bon vin de France,
désormais, i'ne faut plus qui soient séparés.

LA MERE AUX TONNEAUX
Heurtebise, mon ami, vous dites une bonne
chose, et alors je vais vous embrasser.

(Ils dansent grotesquement)

CHOEUR ET VOIX D'ENFANTS
Vive Heurtebise!
Vive la Mère aux Tonneaux!

(Danse)

Voulez-vous manger des cesses? etc.

LE CLERC
(se dressant tout droit au milieu 
d’eux comme une chandelle noire)
Paysans! Croquants!
Rustres agrestes et grossiers!
N'avez-vous point vergogne de vous réjouir ainsi
comme des païens en cette santie veille de Noël
pendant que le Roi Notre Seigneur
se rend à Rheims pour y être consacré
de la Main des Anges?

(La flûte exécute l'air: “Aspiciens
a longe”)

Aspiciens a longe. Vous comprenez
c’est le peuble Juif qui attend Le Messie
comme nous le Roi notre Sire.
Aspiciens a longe. Regardant de loin là-bas
dans la distance la main au dessus des yeux
et tout est plein d’obscurité et de confusion.

CHOEUR
Aspiciens a longe, ecce video Dei potentiam
venientem et nebulam totam terram tegentem.

VOIX D'ENFANTS
Ite obviam ei et dicite:

BASSE SOLO
Nuntia nobis si tu es ipse...

CHOEUR
...qui regnaturus es in populo Israël.

Rhythme de la marche royale
(Loin)

VOIX DE PERROT
La v'la qu'arrive! Le Roi! Le Roi de France!

(Trompettes et cris à distance)

TOUTS
Le Roi qui va-t-à Rheims!

(Une partie de l'auditoire se précipite vers le bas, 

où une procession à l'emblème de cheval éclairé 
par des torches. La flûte prend plus doucement: 
El tema « Aspiciens a longe »...)

LE CLERC
Qui regis Israël.

CHOEUR
Nuntia nobis si tu es ipse.

(Le cortège à cheval s’éloigne
et s’éteint.)

CHOEUR
Voulez-vous manger des cesses?
Voulez-vous manger du flan?
Quand irons-nous à Liesse?
Quand irons-nous à Laon?

LE CLERC
(achevant l’antienne)

Qui regnaturus es in populo Israël.

JEANNE
C'est moi qui ai fait cela!

FRERE DOMINIQUE
C'est! Dieu! C'est Dieu qui a fait cela!

JEANNE
C'est Dieu! C'est Dieu avec Jeanne!
Les voix ne m'avaient pas trompée! 
Catherine et Marguerite, elles ne m'ont pas trompée!

CHOEUR
Coupequesne, Jean Midi, Toutmouillé, Malvenu.
Ils déclarent que tu t'es trompée.

JEANNE
Le Roi ne voulait pas venir et c'est moi
qu'ai pris son cheval par la bride.

CHOEUR
Sorcière! Cruelle! Hérétique! Schismatique!
Homicide! Relapse! Imposture! Hystérique!
Prostituée!

JEANNE
C'est moi que l'ai amené à travers toute la France!

CHOEUR
Pereat Stryga!

(Crescendo)

JEANNE
C'est moi qui l'ai amené à Rheims!

CHOEUR
Morte moriatur!

JEANNE
C'est moi qui ai sauvé la France!
C'est moi qui ai réuni la France!
Toutes les mains de la France en une seule main!
Un telle main qu'elle ne sera plus divisée!

CHOEUR
Comburatur igne!

FRERE DOMINIQUE
Jeanne! Jeanne! Jeanne!
Est-ce pour un Roi de chair
que tu as donné ton sang virginal?

Scène IX

L’épée de Jeanne

(Le jour se lève)

MARGUERITE
(dans la ciel)
Spera! Spira! Spera! Spira!
Spera! Spira!

JEANNE
J'entends Marguerite
dans le ciel mélangée à l'exalation des rossignols
et les douces petites étoiles
à la voix de cette active soeur sacristine
s'éteignent l'une après l'autre.

CHOEUR
(a bocca chiusa pendant le dialogue suivant)

FRERE DOMINIQUE
Les pages de nuit, de sang, d'outre-mer
et de pourpre se sont effeuillées sous mes doigts
et il ne reste plus sur le parchemin virginal
qu'une initiale dorée.

JEANNE
Que c'est beau cette Normandie toute rouge
et rose, toute rouge de bonheur, toute rose
d'innocence qui se prépare à faire avec moi
la sainte communion dans l'étincelante rosée!
Que c'est beau pour Jeanne la Pucelle
de monter au ciel au mois de mai!
Que tu es belle, ô ma belle Normandie,
mais que dirais-tu, Frère Dominique,
si, Marguerite et moi, nous pouvions
t'expliquer notre Lorraine?

FRERE DOMINIQUE
Parle, Jeanne, car je sais qu'il ya des choses
qu'une petite fille peut m'expliquer, moi,
qui, ceint de fer et de cuir et les yeux fermés
ai marché de bonne heure dans les sentiers
de la pénitence.

JEANNE
Et que puis-je t'expliquer, quand il y a encore
au ciel une douzaine d'étoiles au moins
qui en savent plus que moi?

FRERE DOMINIQUE
Explique-moi ton épée!
Est-ce vrai que tu as trouvé ton épée,
cette terrible épée devant laquelle
se sauvaient Anglais et Bourguignons,
dans une chapelle en ruines?

JEANNE
Non, ce n'est pas une chapelle en ruines!
C'est a Domrémy qu'on me l'a donnée.
Ma bannière dans la main gauche,
mon épée dans la main droite, ah!
qui m'aurait résisté?
Jhésus Marie! Jhésus Marie!

MARGUERITE
(dans la ciel)
Jhésus Marie! Jhésus Marie!

(La musique, il se lève lentement)

CATHERINE
Jeanne! Jeanne! Jeanne!
Fille de Dieu, va! va! va!

JEANNE
Je vais! Je vais! J'irai!
Je suis allée!

FRERE DOMINIQUE
A qui est-ce que tu parles ainsi?

JEANNE
Es-tu sourd?
N'entends-tu pas les voix qui disent: Jeanne!
Jeanne! Jeanne! Fille de Dieu, va! va, va!
Ah, ce n'est plus sorcière maintenant
qu'elles disent, c'est mon petit nom de chrétienne,
celui que j'ai reçu au baptême, Jeanne!
Ce n'est plus hérétique et relapse
et je ne sais quoi, et tous ces vilains noms.
C'est fille de Dieu!
C'est beau d'être la fille de Dieu!
Et ce n'est pas seulement Catherine
et Margherite, c'est tout le peuple ensemble
des vivants et des mort qui dit fille de Dieu!
Jeanne! Jeanne! Fille de Dieu, va! va! va!
Bien sûr que j’irai!


CATHERINE, MARGUERITE, CHOEUR
(Doucement et affaiblissement)
Jeanne! Jeanne! Jeanne!
Fille de Dieu, va, va, va!

FRERE DOMINIQUE
Mais tu ne m'as pas expliqué l'épée.

JEANNE
Mais pour que tu comprennes l'épée,
frère tondu,
il faudrait que tu sois une petite fille Lorraine!
Je peux pas faire de toi
une petite fille Lorraine!
Je peux pas te prendre la main
et t'amener avec nous pour chanter
Trimazo avec Aubin et Rufin!

VOIX D'ENFANTS
Trimazo!

JEANNE
Écoute ce qu'ils disent!

UNE VOIX D'ENFANT
En revenant de ces verts champs,
j'avons trouvé les blés si grands
les aubépines fleurissant devant Dieu.

JEANNE
Écoute! Écoute!

VOIX D'ENFANTS
Quand vous couchez vot'bel enfant
que Dieu le garde à son coucher
et à tout' heure de la journée devant Dieu.
C'est le Mai, mois de Mai,
c'est le joli mois de Mai!
Un petit brin de vot' farine,
un petit oeuf de vot'géline,
c'est pas pour boire ni pour manger,
c'est pour avoir un joli cierge,
pour y lumer la Sainte Vierge,
devant Dieu.


CORO  
(bocca chiusa)

JEANNE
As-tu compris, frère Dominique?
Ah, moi! Il n'y a pas eu besoin de Coupequesne
et Toutmouillé pour me l'expliquer!
C'est le tilleul devant la maison de mon père,
comme un grand prédicateur en surplis blanc
dans le clair de lune, qui m'a tout expliqué!

VOIX D’ENFANTS
C’est le Mai, mois de Mai,
C’est le joli de Mai!

FRERE DOMINIQUE
Explique, et moi j'écoute.

JEANNE
Quand il fait bien froid en hiver et que le froid
et la gelée resserrent tout et on dirait que tout
est mort, et les gens sont morts de froid
et il y a de la neige et la glace sur tout comme
un drap, et comme une cuirasse...
et on croit que tout est mort et que tout est fini.

BASSE SOLO
(Au loin)
Mais il y a l'espérance
qui est la plus forte.

JEANNE
On croit que tout est fini, mais alors
il y a un rouge-gorge qui se met à chanter.

MARGUERITE ET CATHERINE
Fille de Dieu, va, va, va!

JEANNE
Il y a un mauvais petit vent venu d'on ne sait où
qui se met à souffler! Il y a une certaine petite
pluie chaude qui se met à tomber sur vous.

CHOEUR
Il y a toute la forêt là-bas
qui se met en mouvement!
Il y a l'espérance qui est la plus forte!

JEANNE
Et alors le temps de fermer les yeux
et de compter jusqu'à trois et tout est changé!
Le temps de compter jusqu’à quatre,
et tout est changé!

MARGHERITE, CATHERINE, SOPRANOS
Fille de Dieu, va! va! va!

JEANNE
Tout est blanc! tout est rose! tout est vert!

CHOEUR
Il y a toute la forêt là-bas
qui se met en mouvement!

JEANNE
Celui qui voudrait empêcher les mirabelliers
de fleur il faudrait qu'il soit bien malin!
Celui qui voudrait empêcher les cerisiers
de ceriser, tellement que tout est plein
de belles cerises...
Mon père dit qu'il faudrait qu'il
se lève matin de bonne heure!
C'est alors que Catherine et Marguerite
se mettent à parler.

BASSES
Coupequesne-Jean Midi-Malvenu -Toutmouillé.
Ils disent que tu t'est trompée!

JEANNE
Et quand Jeanne au mois de Mai
monte sur son cheval de bataille,
il faudrait qu'il soit bien malin celui
qui empêcherait toute la France de partir!
Les entends-tu ces chaînes de tous les côtés,
qui éclatent et qui cassent?
Ah! ces chaînes que j'ai aux mains,
elles me font rire! Je ne les aurai mie toujours!
On a vu ce que Jeanne peut faire
avec une épée.
La comprends-tu maintenant, cette épée
que Saint Michel ma donnée?
Cette épée! Cette claire épée!
Elle ne s'appelle pas la haine,
elle s'appelle l'amour!

VOIX D'ENFANTS
Madame, nous vous remercions
De vos bonnes intentions,
Nous prions Dieu dans vot' maison
Aussi quand nous en sortirons.
Devant Dieu.

CATHERINE
Rouen! Rouen! Rouen!

JEANNE
Rouen! Rouen! Tu as brûlé Jeanne d'Arc,
mais je suis plus forte que toi
et tu ne m'auras mie toujours!

BASSES
Jean Midi, Coupequesne, Toutmouillé, Malvenu.

SOPRANOS, ALTOS
Fille de Dieu, va!va!va!

JEANNE
Il y a l'espérance qui est la plus forte!

MARGUERITE
Ah!

JEANNE
Il y a la foi qui est la plus forte!

CHOEUR
Il y a l’espérance
qui est la plus forte!
Il y a la joie qui est la plus forte!
Fille de Dieu, va, va, va!

MARGUERITE ET CATHERINE
Fille de Dieu, va, va, va!

MARGUERITE
Spira! Spera!

JEANNE
Il y a Dieu! Il y a Dieu qui est le plus fort!

VOIX D'ENFANT
C'est le Mai, le mois de Mai,
C'est le joli mois de Mai!

Scène X

Trimazo

JEANNE
Un petit brin de vot'farine,
Un petit oeuf de vot'géline,
une petite larme pour Jeanne! une petite prière
pour Jeanne!
une petite pensée pour Jeanne!
C'est pas pour boire ni pour manger,
C'est pour aider avoir un cierge,
Pour y lumer la Sainte Vierge.
C'est moi qui vais faire le joli cierge.

Scène XI

Jeanne d’arc en flammes

LA VIERGE
(au-dessus, sur le pilier de Jeanne)
J'accepte cette flamme pure.

(Cependant dès les scènes précédentes la foule
lentement s’est rassemblée devant l’échafaud
hommes, femmes et enfants, formant transition 
avec le Choeur et le Public. Chœur divisé en
différents Demi choeurs. Lecture)

DEMI CHŒUR I
C'est écrit: Jeanne - c'est écrit:
sorcière - c'est écrit: hérétique –
ennemie de tout le monde –
c’est écrit - c’est écrit!

DEMI CHŒUR I
Jeanne la Sainte! Jeanne la Vierge!
Jeanne la Pucelle!

CHOEUR
C'est bien fait!
C'est elle qui a fait tout le mal!
C'est bien fait! De quoi c'est qu'elle s'est mêlée?
C'est bien fait!
Sans elle on serait tranquille!
C'est bien fait!
C'est elle qui a battu les Anglais!
C'est elle qui a ramené notre Roi à Rheims!
Avec le secours du Diable! Avec le secours
de Dieu! Qui est cette Jeanne au juste?
Et si elle est de Dieu ou du Diable...
Le feu va en décider.

(à voix basse)

Loué soit notre frère le feu
qui est sage, fort, vivant,
ardent, acéré, incorruptible.
Loué soit notre frère le feu qui est savant à
séparer l'âme de la chair et de l'esprit la cendre!

JEANNE
Eh quoi! Mon peuple, peuple de France!
Il est vrai, l est vrai que tu veux me brûler vive?

LE PEUPLE
Elle se réveille comme d’un rêve!

JEANNE
Et ce prêtre qui était là tout à l'heure
et qui me tenait à lire ce livre où je lisais?
Il n'est plus là, il me quitte, il est descendu.
il n'est plus là et je suis seule.

LA VIERGE
(au-dessus d’elle)
Jeanne, Jeanne, tu n'es pas seule!

JEANNE
J'entends une voix au-dessus de moi qui dit:
Jeanne, Jeanne, tu n'es pas seule!”.

LE PEUPLE
Jeanne, Jeanne, tu n'es pas seule!
Il y a ce peuple en bas qui te regarde!

JEANNE
Je ne veux pas mourir!

LE PEUPLE
Elle dit qu’elle ne veut pas mourir!

JEANNE
J'ai peur!

LE PEUPLE
Elle dit qu'elle a peur.
Ce n'est qu'une enfant après tout.
Ce n'était qu'une pauvre enfant.
Elle dit qu'elle a peur

UN PRETRE
Signe donc! Signe ce papier!
Avoue, avoue que tu as menti!

JEANNE
Et comment signerais-je
lorsque mes mains sont liées?

UN PRETRE
On va t'enlever tes chaînes.

JEANNE
Il y a d'autres chaînes plus fortes,
qui me retiennent.

UN PRETRE
Et quelles chaînes plus fortes?

JEANNE
Plus fortes que les chaînes de fer,
les chaînes de l'amour!
C'est l'amour qui me lie les mains
et qui m'empêche de signer.
C'est la vérité qui me lie les mains
et qui m'empêche de signer.
Je ne peux pas! Je ne peux pas mentir!

LA VIERGE
Jeanne, Jeanne, confie-toi donc
au feu qui te délivrera!

CHOEUR
Loué soit notre frère le feu qui est pur,
ardent, vivant, pénétrant,
acéré, invincible,
irrésistible, incorruptible.
Loué soit notre frère le feu
qui est puissant à rendre l'esprit à l'esprit
et cendre cendre, ce qui est cendre à la terre.

JEANNE
Mère! Mère au-dessus de moi!
Ah! J'ai peur du feu qui fait mal!

CHOEUR
Loué soit notre frère
le feu qui est sage, fort!
Loué soit notre frère le feu
qui est savant à séparer l’âme de la chair.
Jeanne au-dessus de Jeanne!
Flamme au-dessus de la flamme!

LA VIERGE
Tu dis que tu as peur de feu
et déjà tu l'as foulé aux pieds.

JEANNE
Cette grande flamme,
cette grande flamme horrible,
c'est cela qui va être mon vêtement de noces?

LA VIERGE
Mais est-ce que Jeanne n'est pas
une grande flamme elle même?
Ce corps de mort est-ce qu'il sera toujours puissant 
à retenir ma fille Jeanne?

CHOEUR
Louée soit notre soeur la flamme
qui est pure, forte, vivante, acérée, éloquente,
invincible, irrésistible!
Louée soit notre soeur la flamme
qui est vivante!
Louée soit notre soeur Jeanne qui est Sainte,
droite, vivante, ardente, éloquente,
dévorante, invincible, éblouissante!

LA VIERGE
Le Feu, est-ce qu'il ne faut pas qu'il brûle?
Cette grande flamme au milieu de la France,
est-ce qu'il ne faut pas, qu'elle brûle?

CHOEUR
Louée soit nottre soeur Jeanne
qui est debout toujours comme une flamme
au milieu de la France!

LA VIERGE, MARGUERITE, CATHERINE
(du ciel, avec une tendresse)
Jeanne! Jeanne! Jeanne! Fille de Dieu!
Viens! Viens! Viens!

JEANNE
Ce sont ces chaînes encore qui me retiennent!

CHOEUR
Il y a la joie qui est la plus forte!
Il y a l'amour qui est le plus fort!
Il y a Dieu qui est le plus fort!

JEANNE
Je viens! Je viens! J'ai cassé!
J'ai rompu!

(Elle rompt ses chaînes.)

CHOEUR
La chaîne qui reliait Jeanne à Jeanne!
La chaîne qui reliait l'âme au corps!

JEANNE
Il y a la joie qui est la plus forte!
Il y a l'amour qui est le plus fort!

MARGUERITE
(dans le ciel) 
Hi...! Ah...!

JEANNE
Il y a Dieu qui est le plus fort!

CATHERINE, ENFANTS
(dans le ciel)
Personne n´a un plus grand amour
que de donner sa vie pour ceux qu´il aime.

LA VIERGE, MARGUERITE, CATHERINE
APRES CHŒUR (sur la terre)
(comme si elles épelaient une inscription)
Personne n´a un plus grand amour –
que de donner sa vie pour ceux qu´il aime.

(Plus faible et plus solennelle,
comme s'ils meditasen le sens)

Personne n´a un plus grand amour
que de donner sa vie pour ceux qu´il aime.



PRÓLOGO



(La escena está dividida en dos pisos superpuestos
comunicados mediante una escalera empinada.
En el superior, una hoguera
y en el centro de la
misma un poste
al que Juana está atada. Durante 
la primera escena la oscuridad es total)



CORO

(en voz baja)
¡Tinieblas! ¡Tinieblas! ¡Tinieblas! ¡Ah!
Y Francia estaba inerte y vacía,
y las tinieblas cubrían todo el reino.
Y el Espíritu de Dios, sin saber dónde posarse,
se cernía sobre el caos de las almas
y los corazones;
sobre el caos de las almas y las voluntades;
sobre el caos de las conciencias y las almas.

VOZ DE SOPRANO
¡Desde el fondo del abismo he elevado
mi alma hacia Ti, Señor!
¡Ah, Señor! Si tardas...
¿quién será capaz de sostenernos? ¡Ah!

CORO
¡Tinieblas! ¡Tinieblas! ¡Tinieblas!
¡Ah! Y Francia estaba inerte y vacía,
y las tinieblas cubrían todo el reino.
¡Sálvanos Tú, de las fauces del león
y de las garras de los unicornios,
¡Eli, Fortis, Ischyros!

UNA VOZ (hablada)
¡Hubo una doncella
llamada Juana!

CORO
¡Hubo una doncella llamada Juana!
¡Hubo una doncella llamada Juana!
¿Quién, quién, quién ha oído alguna vez
contar una historia semejante?
¿Quién, quién, quién ha escuchado
nunca algo parecido?
¡Hubo una doncella llamada Juana!
¿Puede acaso la tierra concebir en un solo día?
¿Y todo un pueblo ser engendrado
al mismo tiempo?
¡Desde el fondo del abismo
he elevado mi alma hacia Ti, Señor!

UNA VOZ
¡Hubo una doncella llamada Juana!

CORO
¡Hija de Dios, ve, ve, ve!

UNA VOZ
¿Será Francia partida en dos
para siempre?

CORO
¡Hija de Dios, ve, ve, ve!

UNA VOZ
¡Lo que Dios ha unido,
que no lo separe el hombre!

CORO
¡Hija de Dios, ve, ve, ve!
El amor que nos une a nuestros hermanos.
¿Quién? ¿Quién?
¿Quién podrá separarnos?
Ni la violencia, ni el desánimo, ni el fraude,
ni las alturas, ni las profundidades...

UNA VOZ
¡Hubo una niña que se llamaba Juana!

CORO
Y Francia estaba inerte y vacía,
y las tinieblas cubrían todo el reino.
Desde el fondo del abismo, he clamado a Ti,
¡Señor! ¡Señor! ¿Quién podría resistir?

UNA VOZ
Hubo una doncella que se llamaba Juana.


Escena I

Voces celestiales


(Se oye un perro aúllar en la noche. Una vez. Dos
veces. La segunda vez la orquesta se une al aullido
en una especie de sollozo o risa siniestra; la tercera
vez los coros. Después, silencio. Luego, las voces de
la noche en el bosque, a las que tal vez se une, muy
débilmente, la canción de Trimazo y un canto sonoro
de ruiseñor. Después, silencio y algunos compases 
de dolorosa meditación. Posteriormente, de nuevo, 

el coro a boca cerrada. Crescendo. Diminuendo.
 
Por último, las voces, inteligibles)


CORO
¡Juana! ¡Juana! ¡Juana!


Escena II

El Libro


(Juana, medio sentada, medio arrodillada 

al pie del poste. Llega hasta el pie de la 
hoguera Fray Domingo sujetando un libro)

FRAY DOMINGO
¡Juana! ¡Juana! ¡Juana!

JUANA
¿Quién me llama? ¿Quién es el que me llama?
¿Quién ha dicho Juana?

(Las voces se van desvaneciendo poco
a poco hasta
lo imperceptible. La luz ilumina a Fray Domingo)

FRAY DOMINGO
¿No me reconoces?

JUANA
Reconozco el hábito de dominico,
la túnica blanca y el manto negro.

FRAY DOMINGO
Mi túnica blanca, la que mis hermanos de París
y de Ruán han mancillado de tal forma,

que ni la sosa ni el cloro bastarían para limpiarla.

JUANA
Hermano Domingo, la bondad de Dios
y la sangre de esta niña inocente serán suficiente.

FRAY DOMINGO
Juana, hermana mía,
¿me reconoces?

JUANA
¡Hermano, hermano Domingo,
ambos somos ovejas de una misma lana!
Y yo, yo soy una más del rebaño
que reconoce la voz de su pastor.

FRAY DOMINGO
Puesto que mis hermanos
y mis hijos me han traicionado,
puesto que aquéllos que debían ser
la poderosa voz de la Verdad,
se han vuelto contra Dios convirtiéndose 
en tus acusadores y verdugos, Juana, 
puesto que las palabras enredadas entre 
sus malvadas manos, se han vuelto indescifrables,
soy yo mismo, Domingo, yo, Domingo,
quien desciende del cielo hasta ti con este libro.

JUANA
Domingo, hermano Domingo, todo este tiempo,
todo este último tiempo, he visto muchas plumas
escribiendo a mí alrededor.

FRAY DOMINGO
Todo eso ha conformado un libro.

JUANA
¡Esa terrible voz que me acosaba y todas
esas plumas sin descanso a mi alrededor!
Todo eso ha conformado un libro...
y yo, no sé leer.

FRAY DOMINGO
Para comprender el libro que te traigo,
no hace falta conocer ni la letra A ni la B.
Este grupo de palabras que esos villanos
han mal escrito en el burdo latín de Fouarre;
este proceso que han urdido en la pobre jerga
de Coutances, los ángeles las han traducido
en el cielo para toda la eternidad.

JUANA
Léemelo, pues, hermano, en el nombre de Dios,
en tanto yo miro por encima de tu hombro.

FRAY DOMINGO
(haciendo la señal de la cruz)
En el nombre del Padre, del Hijo
y del Espíritu Santo. Y que así sea.

CORO
Que así sea.

(Fray Domingo se sienta en el primer peldaño 
de la escalera. Juana hace la señal de la cruz 
con sus manos encadenadas)


Escena III

Las Voces De La Tierra

FRAY DOMINGO
(leyendo)
¡Juana! ¡Juana! ¡Juana!
¡Hereje! ¡Hechicera! ¡Apóstata!
¡Enemiga de Dios, enemiga del Rey!
¡Enemiga del pueblo!
¡Que se la lleven,
que la maten, que la quemen!

JUANA
¿Hereje? ¿Hechicera? ¿Apóstata?

¡Hermano Domingo!
¿Todo eso es Juana de Arco? ¿Será verdad?
¿Todo eso soy yo?

CORO
¡Hereje! ¡Hechicera! ¡Apóstata!
¡Juana! ¡Juana! ¡Juana!

JUANA
¿Y cómo?
Esos sacerdotes que yo veneraba...
Ese miserable pueblo al que yo amaba...
A su Juana, a su pobre doncella,
¿es verdad que la quieren quemar?
¿Es verdad que quieren quemarme?

CORO
¡Basta! ¡Basta! ¡Basta!
¡Juana! ¡Juana! ¡Juana!
¡Que se la lleven, que la maten, que la quemen!
¡Hereje! ¡Hechicera! ¡Apóstata!

FRAY DOMINGO
Has oído las voces del cielo,
y ahora escucha lo que han hecho aquí abajo;
escucha lo que han concluido.
¡Oye las voces de la tierra!

VOZ DE BAJO
(a la manera de Juan Sebastian Bach)
Una mujer que tiene espíritu de pitonisa,
un alma que bien se hubiera entregado
a los magos y adivinos, y fornicado con ellos...

CORO
(violentamente)
¡Juana!

VOZ DE BAJO
(de la misma manera)
Volveré mi rostro contra ella 
y la haré desaparecer de entre mi pueblo.

CORO
(violentamente)
¡Es la ley!

VOZ DE TENOR
(con tono imperioso)
¡Juana!

CORO
¡Ésta, ésta, ésta es Juana!
¡Esta es Juana la pecadora!

VOZ DE TENOR
¡Bruja!

CORO
¡Condénadla a muerte!

VOZ DE TENOR
¡Hereje!

CORO
¡Que muera!

TENOR
¡Apóstata!

CORO
¡Que muera!

TENOR
¡Adicta a malas artes!
¡Enemiga del Rey y del pueblo!

CORO
¡Que la condenen a muerte!

TENOR
¡Manceba del infierno! ¡Instrumento de Satán!

CORO
¡Que arda en la hoguera!

JUANA
¡Es cierto! ¡Es cierto!
¡Ya lo recuerdo! ¡El fuego que abrasa!
¡El humo que sofoca!
¡Oh, cuánto mal se me hace! 
¡Sacerdotes! ¡Sacerdotes de Jesucristo!
¿Es verdad que yo hacía tanto mal?
¿Es verdad que odiábais tanto
a la pobre Juana?

CORO
(sordamente)
¡Que muera!

FRAY DOMINGO
No, Juana, no son sacerdotes 
quienes te han juzgado.
Cuando esas bestias feroces se reunieron
a tu alrededor, con rabia en el corazón
y echando espuma por la boca,
a esos sacerdotes, a esos políticos,
el Ángel Justo que sostiene la sublime balanza, 

de un golpe hizo caer de sus cabezas y hombros 
la mitra, la capucha y el hábito.

(Entran los jueces y se
agrupan en un rincón)

¡Aquí están, despojados como presidiarios!
¡Que reciban el tocado que más les corresponde!
Es preciso que Juana, como en otro tiempo lo
fueron sus hermanas sobre la arena de Roma,
¡sea entregada a las bestias!
La elegida de Dios, la Santa de Dios.
¡No son sacerdotes, no son hombres,
son bestias quienes la van a juzgar!


Escena IV

Juana
entregada a las bestias

(Entra un ujier con varios ayudantes 

que llevan disfraces, máscaras y sombreros)

EL HERALDO
(toque de trompeta)
¡El Tribunal!
¡Guarden silencio!

EL UJIER

¿Quién será el Presidente?

EL HERALDO
¡El tigre!

CORO
¡El tigre!

EL UJIER

El tigre se declaró incompetente.

EL HERALDO
¡El zorro!

CORO
¡El zorro!

EL UJIER
El zorro dice que está enfermo.

EL HERALDO
¡La serpiente!

CORO
¡La serpiente!

EL UJIER
La serpiente se ha silbado a sí misma
recluyéndose en el fondo de un hoyo.

EL HERALDO
Pero entonces, ¿no hay nadie que presida?

CORO
¿Pero entonces?
¡Sí, sí, sí, sí lo hay! ¡Aún lo hay!

EL UJIER
¿Quién? ¿Quién se ha ofrecido
para juzgar a Juana de Arco?

PORCUS
¡Yo! ¡Yo! ¡Yo! ¡Yo! 
Yo me ofrezco para juzgar a Juana de Arco.

EL UJIER
¿Quién eres tú?
¿Cómo te llamas?

PORCUS
Me llamo Porcus.
¡Me llamo Cerdo!
Yo, yo. ¡Yo soy el cerdo!

CORO
¡Cerdo! ¡Cerdo! 
¡Que el cerdo sea nuestro presidente! 
No tenemos más juez que el cerdo. 

¡Viva y siempre viva el cerdo de los cerdos!
¡Es muy digno de presidir nuestra preclara asamblea!
¡Como lirio entre las espinas,

así él aparece hermoso entre las capuchas!
Pero, ¿quién nos ha dado las patatas?
¿Cayeron como estrellas del cielo
y se convirtieron entre nosotros en patatas?
Ved qué bueno y agradable es que todos
los hermanos habiten juntos y coman patatas.
¿Qué mejor juez que el cerdo, nuestro señor?
Él es la nariz entre las narices,
que sabe distinguir las trufas de las patatas.
Sus estornudos tienen el esplendor del fuego.

PORCUS
¡Yo! ¡Yo! ¡Yo soy el cerdo!

CORO
¡Viva el cerdo de los cerdos!
¡Viva y siempre viva el cerdo, nuestro presidente!

(El ujier le coloca una cabeza de
cerdo. El Presidente abre la sesión)

EL UJIER
¿Quiénes son los asesores?

CORO
¡Béeeee! ¡Béeeee! ¡Béeeeee!

(Todos avanzan a la vez)

EL UJIER
¿Quiénes son ustedes?

CORO
¡Yo me llamo Oveeeeeeja!

EL UJIER
Ovejas de oveja,
tomen asiento a derecha e izquierda
y reciban sus respectivas insignias.

(Les reparte cabezas de cordero)

Y ahora, ¿dónde está el escribano?

EL ASNO
Soy yo, ¡el asno! Aquí se presenta el asno.

(Entra el asno. Inmenso estallido de 
risa en el coro que termina en sollozo)

CORO
¡Ja! ¡Ja! ¡Ja! ¡Ja!

CORO DEL ASNO
(Como en las fiestas del Asno
en la Edad Media)

BAJOS Y SOPRANOS
¡Vean sus grandes orejas!
Aquí llega el asno,

tan hermoso y tan fuerte,
capaz de soportar cualquier carga.

RESTO DEL CORO
Señor asno,
cante usted como bien sabe.
Tuerza esa hermosa boca,
que más tarde tendrá
heno y avena para saciarse.
¡Hi ha!, ¡hi ha!, ¡Hi ha!

PORCUS
¡Que entre la acusada!

(Entra Juana encadenada)

Juana, este preclaro Tribunal ha resuelto,
quiero decir que, después de grandes esfuerzos,
este sabio e ilustre Tribunal ha logrado por fin,
por medios a veces suaves y a veces severos;
por medio de pacientes interrogatorios,
tanto físicos como morales, 
obtener la verdad del fondo 
de una voluntad extraviada
y de un corazón perverso.

(El coro, de inmediato, estalla en risas)

CORO
¡Mirad qué orejas tan grandes!

EL HERALDO
¡Silencio!

PORCUS
Y ahora, por voluntad del Rey de Francia
e Inglaterra, nuestro legítimo soberano...

(Todos se levantan, alzando sus cabezas
postizas y vuelven a sentarse)

... has sido convocada para que escuches 
tu justa sentencia. 
Vas a oír por qué en su gran misericordia,
este Tribunal, sabio e ilustre,
que yo, el cerdo, presido...

(Todos se levantan, saludan y vuelven a sentarse)

... ha decidido liberarte, 
gracias a la clara llama de ese oscuro demonio
con el que te has enredado criminalmente.
Pero antes, queremos escuchar de tu boca,
una vez más, esa confesión solemne
tan necesaria para la seguridad
de nuestras conciencias.
¡Arrodíllate!

(Juana se arrodilla)

Juana, hija de Roma, ¿reconoces y confiesas
que tú, la más tierna doncella,
con ayuda de medios antinaturales, 
arrancaste la victoria de manos de nuestro Rey...

(T
odos se levantan y saludan)

... y obligaste a sus bravos ejércitos 
a emprender la más oprobiosa fuga?
¡Traduce!

EL ASNO
Juana, ¿reconoces que no fue
con tus propias fuerzas y por medios naturales
que conseguiste vencer a los ingleses?

JUANA
¡Lo confieso!

CORO
¡Lo confiesa!

PORCUS
¡Escribe!

(El escribano escribe)

Juana, hija de Roma,

¿reconoces y confiesas
que con ayuda del poderosísimo Diablo,
diste una bofetada a nuestro Rey
y obligaste a sus bravos ejércitos
a emprender la más vergonzosa fuga?
¡Traduce!

EL ASNO
Juana,
¿reconoces que fue con ayuda del Diablo,
nuestro poderoso Señor...

(Todos hacen el gesto de levantarse)

PORCUS
¡Sentaos! ¡Sentaos! ¡Qué idiotas!
¡Sentaos en el nombre del Diablo!

(Arranca el papel de manos del Asno)

Juana,
¿reconoces que fue con ayuda
del Diablo que tú hiciste todo eso?

JUANA
¡Digo que no!

PORCUS
¿Cómo dices?

EL ASNO
Dice que que sí.

PORCUS
¡Escribe que ha dicho sí!
Y ahora voy a consultar al Tribunal.

(Dirigiéndose al primero que está sentado)

Oveja, ¿qué dices?

PECUS
¡Bée! ¡Bee! ¡Bée! ¡Bée!

PORCUS
(Se dirige a la izquierda de igual forma)
Oveja, ¿qué dices?

CORO
(a cappella)
¡Bée! ¡Bée! ¡Bée!

EL ASNO
Tenemos la confesión de la acusada.

PORCUS
Doctos y santos hermanos,
¿os parece justo y equitativo que Juana, 

hija de Roma y hechicera,
sea condenada a muerte?

CORO
(violentamente)
¡Que muera la bruja!

PORCUS
¡Hágase la voluntad de nuestro Rey!

(Todos saludan)

Han oído todos la sentencia.

(Como al principio, levantándose)

¡Bruja!

CORO
¡Que muera!

PORCUS

¡Hereje!

CORO
¡Que muera!

PORCUS
¡Apóstata!

CORO
¡Qué muera!

PORCUS
¡Enemiga del Rey y del género humano!

CORO
¡Que la condenen!

PORCUS
¡Juana, bruja hija de Roma!

CORO
¡Que arda en las llamas!


Escena V

Juana en la picota

(Se oyen aullidos de perro)

JUANA
¿Qué perro es ése que aúlla en la noche?

FRAY DOMINGO
¡No es un perro, es Iblís,
el desesperado, 
el que aúlla en el fondo del Infierno.

BAJOS
¡Hereje!

JUANA
¡Hereje!

BAJOS
¡Hechicera!

JUANA
¡Hechicera!

BAJOS
¡Apóstata!

JUANA
¡Apóstata!

BAJOS
¡Cruel!

JUANA
¿Cruel?
¿Soy yo, Juana, todo eso?
¿La Iglesia, los sacerdotes, todo lo que hay
en el mundo de respetable y sabio; 

se confabula y me condena unánimemente?
Explícame, hermano Domingo,
¿qué es lo que he hecho?
Léeme lo que hay en el libro.

FRAY DOMINGO
Todos esos grandes hombres que te han
condenado, todos esos doctores y sabios:
Malvenu, Jean Midi, Coupequesne y Toutmouillé,
creen firmemente en el Diablo,
pero no quieren creer en Dios.
El Diablo es una realidad:
los ángeles son una tontería.
El Diablo que tú detestabas, te ha ayudado:
y los ángeles que tú invocabas no lo han hecho.
Y así, culpable por ambos lados,
te condenan por ambas partes.
Tal es la sabiduría de la Sorbona.
Tales son los ilustres doctores 

que se burlan en las narices del Papa.

JUANA
Pero yo, la pastorcita de Domrémy,
¿cómo he llegado hasta aquí?

FRAY DOMINGO
Has llegado por medio de un juego de cartas
que un rey loco ha inventado.

JUANA
¿Un juego de cartas?

FRAY DOMINGO
Te lo vamos a explicar.


Escena VI

Los reyes o la invención del juego de naipes

HERALDO I
(explicando)
El mazo de naipes consta de cuatro Reyes,
cuatro Damas y cuatro Sotas.

HERALDO II
Además de los otros números que son siete.

HERALDO I
Como resultado de la partida
los Reyes cambian de lugar.

HERALDO II
El que estaba en el Sur, pasa al Norte.

HERALDO I
El que estaba en el levante, pasa al poniente.
Y todo empieza de nuevo.

HERALDO II
En cuanto a las Reinas, ellas no cambian de lugar, 
ellas siempre están allí.

HERALDO I
¡Hagan entrar a sus Majestades!

HERALDO III
(anunciando)
¡El Rey de Francia!

(Entra el Rey de Francia que 
va a sentarse en un trono)

¡Su Majestad la Estupidez!

(Entra la Estupidez)

¡El Rey de Inglaterra!

(Entra el Rey de Inglaterra, un niño)

¡Su Majestad  la Soberbia!

(Entra la Soberbia)

¡El Duque de Borgoña!

(Entra el Duque de Borgoña)

¡Su Majestad la Avaricia!

(Entra la Avaricia)

HERALDO II
¿Y cuál es el cuarto Rey?

HERALDO I
En todas los partidos de naipes hay un muerto.

HERALDO III
(anunciando desde la puerta)
¡La Muerte!

(Entra la Muerte)

HERALDO I
Y ahora, que pase su compañera y fiel esposa, 
con quien comparte el lecho.

HERALDO III
¡Su Majestad la Lujuria!

(Entra la Lujuria)

HERALDO I
Los reyes cambian de lugar, pero las reinas,
Su Majestad la Soberbia, Su Majestad la Estupidez,
Su Majestad la Avaricia y Su Majestad la Lujuria,
estas reinas no cambian de lugar
y se quedan siempre con nosotros.

HERALDO II
Pero quienes juegan verdaderamente la partida
no son los reyes ni las reinas,
son las Sotas.

HERALDO I
Hagan entrar a las Sotas.

HERALDO III
¡Su Gracia el Duque de Bedford!
¡Su Alteza Juan de Luxemburgo!
¡Su Grandeza Reynaldo de Chartres!
¡Guillermo de Flavy!

(Todos los nombrados entran)

JUANA
Ése fue quien bajó el rastrillo
detrás de mí, en Compiègne.

HERALDO I
El juego empieza. Consta de tres manos.

(Fanfarria de trompetas- música antigua. 

A cada lado de la casilla de las sotas, otras 
dos casillas: una de caballeros y otra de 
campesinos; es decir, dos que dan bastonazos 
y otra que los recibe)

Primera Mano

REYNALDO DE CHARTRES
He perdido, quiero decir que he ganado.

BEDFORD
He ganado, quiero decir que he perdido.

Segunada Mano

GUILLERMO DE FLAVY
La carta ganadora, el comodín.

JUAN DE LUXEMBURGO
¡Corto!

Tercera Mano


REYNALDO DE CHARTRES
¡He ganado!

DUQUE DE BEDFORD
¡He perdido!

GUILLERMO DE FLAVY
He perdido y tengo los bolsillos llenos de dinero.

JUAN DE LUXEMBURGO
He ganado y tengo los bolsillos llenos de dinero.

GUILLERMO DE FLAVY
Señores, les entrego
a Juana de Arco, la Doncella.

BEDFORD
¡La hechicera!

REYNALDO DE CHARTRES
¡Buenos días, caballeros,
y espero volverlos a ver!

BAJOS
(sórdidamente)
¡Que sea quemada en la hoguera!

Escena VII

Catalina y Margarita

(Campanas en la noche; voces)

JUANA
¿Qué son esas campanas
que suenan en la noche?

FRAY DOMINGO
Campanas que tocan a muerte.

JUANA
Y que llaman a las almas 

a rogar por Juana de Arco.

FRAY DOMINGO
¡Hereje! ¡Hechicera!
¡Cruel! ¡Apóstata!

BAJOS
(sordamente)
¡Que arda en la hoguera!

JUANA
¡Gracias campanas! ¡Hermanas! ¡Amigas mías!
¡Mis voces, que se habían callado,
aquí están de nuevo hablándome!

FRAY DOMINGO
¡La campana negra y la campana blanca!


BAJOS
¡Que arda en la hoguera!

(Las dos campanas suenan a la vez)

CATALINA
¡Desde el fondo del abismo he clamado a Ti, Señor!

MARGARITA
¡Espera, respira! ¡Espera, respira!

CATALINA
Líbrame, Señor, de la boca del león
cuando vengas a juzgar al mundo por el fuego.

MARGARITA
¡Espera, respira! ¡Espera, respira!
¡Jesús, María!

BAJOS
¡Que arda en la hoguera!

JUANA
¡Catalina, Margarita!
¡Os reconozco!
Catalina que canta el “De profundis”

y Margarita, azul y blanca en el cielo,
que dice: “¡Papá-mamá!”
¡Cómo las escuchaba otrora en Domrémy!
¡
Catalina y Margarita! ¡Jesús! ¡María!
Escribí esos dos nombres 
sobre mi bello estandarte azul y blanco.
¡Jesús! ¡María! ¡Catalina! ¡Margarita!
Y yo, ese pedacito de mujer
entre las ortigas y los dientes de león,
estaba tan absorta que olvidaba comer
mi rebanada de pan...

CATALINA, MARGARITA
(de pronto violentas)
¡Juana! ¡Juana! ¡Juana!
¡Hija de Dios, ve! ¡Ve! ¡Ve!

JUANA
¡Iré! ¡Iré! ¡Me voy! ¡Me voy! ¡Me estoy yendo!
¿Dónde estará mi espada?

CATALINA, MARGARITA
¡Juana! ¡Juana! ¡Acude al Rey!
¡Guía de nuevo al Rey de Francia!

JUANA
¡Ya lo tengo! ¡Ya sujeté la brida de su caballo!
¡Les devuelvo a mi noble Rey!
¡Se los he traído a través del bosque!
¡Lo he traído a través de Francia!

Escena VIII

El rey que se Dirige a Reims

(Campanas a la distancia)

CORO (en la lejanía)
CORO INFANTIL (más cerca)
¿Quieren comer cerezas?
¿Quieren comer torta de crema?
¿Cuándo iremos a Liesse?
¿Cuándo iremos a Laon?

BAJOS
¡La! ¡La! ¡La! ¡La!

LOS OTROS
(en tumulto)
¡Heurtebise! ¡Heurtebise!

(Entra un cortejo rústico escoltando al gigante
Heurtebise, que no es sino un molino de viento 
con un gran sombrero de paja deshilachado y una
rueda bajo el brazo como si fuera una hogaza)

Canción de Heurtebise

CORO

Blanca o gris, Heurtebise
mira que la harina da sed.
Heurtebise, mi compadre,
¿qué has hecho de tu comadre?
Todo vestido de lino crudo.
¡Buen hombre!
A cambio de su trigo dorado y grande
reclama vino de Beaune.
Heurtebise, mi compadre,
¿qué has hecho de tu comadre?
¡Toneles! ¡Toneles! ¡Toneles!
La Madre de los Toneles de Beaune.
Aquí vienen por el Saona.
¡Toneles! ¡Toneles! ¡Toneles!

CANCIÓN DE LA MADRE DE LOS TONELES
El vino de Beaune y de Troyes
aquí llega sin demora.
Heurtebise, mi compadre,
ahí tienes a tu comadre.
¡Demasiada cerveza hemos bebido!
¡Hace falta un poco de buen vino!
Heurtebise, amigo mío,
¡ya no volverás a estar sediento!
Heurtebise, 

se acabó la sequedad en la lengua;
Heurtebise, se acabaron
la rabia y las anginas.

(Heurtebise y la Madre de los
Toneles se saludan solemnemente)

HEURTEBISE
(con acento de la región de Picardía)
Madre de los Toneles,
hace mucho que no te veía.

MADRE DE LOS TONELES
(con acento de la región de Borgoña)
Heurtebise, pobre esposo mío,
tienes peor semblante
que la última vez que te vi.

HEURTEBISE
Señora Toneles, esposa mía, te traigo
las sabrosas galletas con tocino de Picardía.

MADRE DE LOS TONELES
Heurtebise, esposo mío,
que giras según el viento,
te traigo algo que te mantendrá sosegado
.

HEURTEBISE
¡Toneles, Toneles, esposa mía!
¡Toneles, Toneles, esposa mía!
El buen pan de Francia y el buen vino de Francia,
desde ahora ya no deberán estar separados.

MADRE DE LOS TONELES
Heurtebise, amigo mío, has dicho una cosa buena
y por eso voy a abrazarte.

(Los dos bailan de manera grotesca)

VOCES INFANTILES
¡Viva Heurtebise!
¡Viva la Madre de los Toneles!

(Danza)

¿Quieres comer cerezas?, etc.

EL CLÉRIGO

(erguido en medio de ellos,
como un cirio negro)
¡Campesinos! ¡Palurdos!
¡Pueblerinos agrestes y groseros!
¿No os da vergüenza gozar como paganos 
en esta santa víspera de Navidad
mientras el Rey, nuestro Señor,
se encamina hacia Reims para ser consagrado
por la mano de los ángeles?

(La flauta ejecuta el aria: “Mirando a lo lejos”) 

Mirando a lo lejos... ¿Comprendéis
cómo el pueblo judío esperaba al Mesías,
igual que nosotros al Rey nuestro Señor?
Mirando a lo lejos, allí, en la distancia,
la mano sobre los ojos,
todo es oscuridad y confusión.

CORO
Mirando a lo lejos veo venir el poder de Dios 
y una nube que cubre toda la tierra.

VOCES INFANTILES
Id
a su encuentro y decidle:

VOZ DE BAJO
Dinos si eres Tú nuestro enviado.

CORO
...
el que reinará sobre el pueblo de Israel.

Marcha Real 
(lejano)

VOZ DE PERROT
¡Aquí llega! ¡El Rey! ¡El Rey de Francia!

(
Suenan trompetas y gritos en la distancia)

TODOS
¡El Rey que se va a Reims!

(Una parte de los asistentes se precipita hacia
el fondo donde se divisa un cortejo a caballo iluminado por antorchas. La flauta retoma con la mayor dulzura el tema: “Mirando a lo lejos”)

EL CLÉRIGO
El que reina sobre Israel.

CORO
Dinos si eres realmente Tú nuestro Mesías.

(El cortejo a caballo se aleja y desaparece)

CORO
¿Quieren comer cerezas?
¿Quieren comer una torta de crema?
¿Cuándo iremos a Liesse?
¿Cuándo iremos a Laon?

EL CLÉRIGO
(terminando la antífona)
El que reinará sobre el pueblo de Israel.

JUANA
¿Soy yo quien ha hecho esto?

FRAY DOMINGO
¡Es Dios! ¡Es Dios quien lo ha hecho!

JUANA
¡Es Dios! ¡Es Dios a través de Juana!
¡Las voces no me habían engañado!
¡Catalina y Margarita, no me engañaron!

CORO
Coupequesne, Jean Midi, Toutmouillé, Malvenu,
todos declaran que te has equivocado.

JUANA

El Rey no quería venir y soy yo quien 
ha
conducido su caballo por la brida.

CORO
¡Bruja! ¡Cruel! ¡Hereje! ¡Cismática!
¡Homicida! ¡Apóstata! ¡Impostora! ¡Histérica!
¡Prostituta!

JUANA
¡Soy yo quien lo condujo a lo largo de Francia!

CORO
¡Que muera la bruja!

(Crescendo)

JUANA
¡Soy yo quien lo ha traído a Reims!

CORO
¡Que sea condenada a muerte!

JUANA
¡Soy yo quien salvó a Francia!
¡Soy yo quien ha unido a Francia!
¡Todas las manos de Francia en una sola mano!
¡Una mano tan fuerte, que ya nunca será dividida!

CORO
¡Que arda en la hoguera!

FRAY DOMINGO
¡Juana! ¡Juana! ¡Juana!
¿Es por un Rey de carne
por quien diste tu sangre virginal?

Escena IX

La espada de Juana

(Amanece)

MARGARITA
(desde el cielo)
¡Espera! ¡Respira! ¡Espera! ¡Respira!
¡Espera! ¡Respira!

JUANA
Oigo a Margarita en el cielo,
entre la algarabía de los ruiseñores
y las dulces estrellitas que, 
al oír la voz de esta hermana sacristana,

se apagan una tras otra paulatinamente.

CORO
(a boca cerrada durante el siguiente diálogo)

FRAY DOMINGO
Las páginas sombrías de sangre, azul ultramar
y púrpura, se han deshecho entre mis dedos
y en aquel pergamino virginal
no queda más que una inicial dorada.

JUANA
¡Pero qué bella es Normadía, toda roja y rosada! 

Roja de felicidad, rosa de inocencia,
que se prepara para hacer conmigo
la santa comunión en el resplandor del rocío.
¡Qué hermoso es para Juana, la Doncella,
ascender al cielo en el mes de mayo!
¡Qué hermosa eres, mi bella Normadía!
Pero, ¿qué dirías tú, hermano Domingo,
si Margarita y yo pudiéramos
describirte nuestra Lorena?

FRAY DOMINGO
Habla, Juana, porque sé que existen cosas
que una joven puede explicarme, a mí, 
que ceñido de hierro y cuero, a ciegas,
caminé muy temprano 

por senderos de penitencia.

JUANA
¿Y qué puedo explicarte, 
cuando en el cielo hay por lo menos
una docena de estrellas que saben más que yo?

FRAY DOMINGO
¡Háblame de tu espada!
¿Es cierto que encontraste tu espada,
esa terrible espada ante la cual
huían los ingleses y borgoñones,
en una capilla en ruinas?

JUANA
¡No, no era una capilla en ruinas!
¡Fue en Domrémy donde me la dieron!
El estandarte en la mano izquierda,
la espada en la mano derecha, ¡ah!
¿Quién me habría resistido?
¡Jesús María! ¡Jesús María!

MARGARITA
(en el cielo)
¡Jesús, María! ¡Jesús, María!

(La música se va elevando poco a poco)

CATALINA
¡Juana! ¡Juana! ¡Juana!
¡Hija de Dios, ve! ¡Ve! ¡Ve!


JUANA
¡Me voy! ¡Me voy!
¡Me estoy yendo!

FRAY DOMINGO
¿A quién le hablas así?

JUANA
¿Eres sordo?
No oyes las voces que a lo lejos dicen: ¡Juana!
¡Juana! ¡Juana! ¡Juana! ¡Hija de Dios, ve! ¡Ve!
¡Ve! ¡Ah! Ya no dicen “hechicera”.
Es mi nombre de cristiana,
ése que recibí en el bautismo, ¡Juana!
Ya no dicen “hereje” ni “apóstata”
y no sé qué más cosas...
¡Ahora dicen “hija de Dios”!
¡Qué bello ser hija de Dios!
¡Y ya no sólo lo dicen Catalina y Margarita, 
es todo el pueblo reunido,
los vivos y los muertos, los que dicen “hija de Dios”!
¡Juana! ¡Juana! ¡Hija de Dios, ve! ¡Ve! ¡Ve!
¡Y sin duda alguna que iré!

CATALINA, MARGARITA, CORO
(suavemente y debilitándose)
¡Juana! ¡Juana! ¡Juana!
¡Hija de Dios, ve! ¡Ve! ¡Ve!

FRAY DOMINGO
¡Pero no me has hablado de tu espada!

JUANA
¡Para que comprendas lo de la espada,
mi tonsurado hermano, tendrías que ser
una muchacha loronesa!
¡Y yo no puedo hacer de ti
una muchachita loronesa!
¡Yo no puedo tomarte de la mano
y llevarte con nosotras a cantar
el trimazo con Albino y Rufino!

VOCES INFANTILES
¡Trimazo!

JUANA
¡Escucha sus voces!

UNA VOZ DE NIÑO

Volviendo de los verdes campos,
encontramos el trigo muy alto,
y los espinos en flor ante Dios.

JUANA
¡Escucha! ¡Escucha!

VOCES INFANTILES
Cuando acuestes a tu niño,
que Dios lo proteja en su reposo
y a todas horas del día esté ante Dios.
Es mayo, es el mes de mayo,
es el hermoso mes de mayo.
Un poquitito de tu harina
y
algún huevecito de la gallina.
No es para vino ni es para pan,
es para un cirio que alumbre
con su luz blanca a la Santa Virgen,
ante Dios.

CORO  
(a boca cerrada)

JUANA
¿Has comprendido, hermano Domingo?
¡Ah, yo no necesité a Coupequesne
ni a Toutmouillé para entenderlo!
¡Fue el tilo quien, al claro de luna 
ante la casa de mi padre como un predicador 
de sobrepelliz blanca, me explicó todo!

VOCES INFANTILES
¡
Es mayo, es el mes de mayo,
es el hermoso mes de mayo!

FRAY DOMINGO
Explícame... te escucho.

JUANA
En pleno invierno, cuando el frío y las heladas 
todo lo cubren y las gentes tiritan de frío,
y la nieve y el hielo 
lo cubren todo con su manto,
como una coraza... 
Cuando creemos todo muerto...

UNA VOZ DE BAJO
(a lo lejos)
Sin embargo, allí está la esperanza,
que es la más fuerte.

JUANA
... y pensamos que todo ha terminado, 
de improviso oímos
un petirrojo cantar.

MARGARITA Y CATALINA
¡Hija de Dios! ¡Ve! ¡Ve! ¡Ve!

JUANA
¡Entonces sopla un pícaro vientecito
que viene no sé sabe de dónde
y empieza a caer una ligera llovizna!....

CORO
¡Todo el bosque
se despierta!
¡Allí está la esperanza que es la más fuerte!

JUANA
Y entonces, en un abrir y cerrar de ojos, 
¡todo cambia!
Antes de contar hasta tres
¡
todo cambia!

MARGARITA, CATALINA, SOPRANOS
¡Hija de Dios! ¡Ve! ¡Ve! ¡Ve!

JUANA
¡Todo es blanco! ¡Todo es rosa! ¡Todo es verde!

CORO
¡Todo el bosque, allá abajo,
se despierta!

JUANA
¡El que quisiera impedir que los girasoles florezcan,
tendría que ser muy malvado!
Aquel que quisiera impedir 
que los cerezos dieran frutos 
privándonos de las hermosas cerezas...
¡Mi padre decía que para ello habría
que levantarse muy temprano!
Fue en esa época cuando Catalina y Margarita
comenzaron
a hablarme.

BAJOS
¡Coupequesne! ¡Jean Midi! ¡Malvenu!
¡Toutmouillé! ¡Dicen que te equivocas!

JUANA
¡Y cuando Juana en el mes de mayo
monta en su caballo de batalla,
tendría que ser bien maligno aquel
que le impidiera marchar por toda Francia!
¿Escuchas esas cadenas que por todas partes,
resuenan y se rompen?
¡Ah! ¡Estas otras cadenas 
que tengo en las manos me hacen reír! 
¡No me atarán por siempre!
Está visto lo que Juana puede hacer con una espada.
¿Comprendes ahora que San Miguel
fue quien me otorgó
esta espada?
¡Esta espada! ¡Esta espada reluciente!
Esta espada no se llama odio,
¡
su nombre es amor!

VOCES INFANTILES
Por tus intervenciones, Señora, 
te
damos gracias.
Te imploramos
tanto al salir,
como cuando estamos en casa.
Ante Dios.

CATALINA
¡Ruán! ¡Ruán! ¡Ruán!

JUANA
¡Ruán! ¡Ruán! ¡Has quemado a Juana de Arco,
pero soy más fuerte que tú,
y no me tendrás siempre encadenada!

BAJOS
Jean Midi, Coupequesne, Toutmouillé, Malvenu.

SOPRANOS, MEZZOS
¡Hija de Dios! ¡Ve! ¡Ve! ¡Ve!

JUANA
¡Allí está la esperanza, que es la más fuerte!

MARGARITA
¡Ah!

JUANA
¡Allí está la fe, que es la más fuerte!

CORO
¡Está la esperanza,
que es la más fuerte!
¡Está la alegría, que es la más fuerte!
¡Hija de Dios, ve, ve, ve!

MARGARITA, CATALINA
¡Hija de Dios, ve, ve, ve!

MARGARITA
¡Respira! ¡Espera!

JUANA
¡Allí está Dios! ¡Está Dios, que es el más fuerte!

VOCES INFANTILES
¡Es mayo, el mes de mayo,
el bello mes de mayo!

Escena X

Trimazo

JUANA
¡Un poquito de tu harina,
algún huevito de la gallina!
¡Una lágrima por Juana! 
¡Una breve plegaria por Juana! 
¡Sólo un pensamiento por Juana!
No es para el vino ni para el pan,
es para un cirio que alumbre
con su luz blanca a la Santa Virgen.
Yo soy quien se transformará en ese hermoso cirio.

Escena XI

Juana de Arco en llamas

LA VIRGEN
(sobre el poste de Juana)
Acepto esta llama pura.

(Mientras tanto, desde las escenas precedentes,
la multitud se ha reunido lentamente ante
el patíbulo, hombres, mujeres y niños, conforman
una transición entre el coro y el público. Coro dividido en dos semicoros, leyendo)

SEMI CORO I
Está escrito, Juana. 
Está escrito: hechicera. 
Está escrito: hereje, enemiga del mundo.
¡
Está escrito! ¡Está escrito!

SEMI CORO II
¡Juana la santa! ¡Juana la virgen!
¡Juana la doncella!

SEMI COROS I Y II (Alternándose)
¡Muy bien hecho!
¡Es ella la responsable de todo este mal!
¡Muy bien hecho! ¿No ha sido todo por su causa?
¡Muy bien hecho!
¡Sin ella, estaríamos en paz!
¡Muy bien hecho!
¡Ella es quien enfrentó a los ingleses!
¡Es ella quien condujo a nuestro Rey a Reims!
¡Con la ayuda del Diablo! ¡Con la ayuda de Dios!
¿Quién es Juana realmente?
Y si es de Dios o del Diablo...
Lo decidirán las llamas.

(en voz baja)

Alabado sea nuestro hermano el fuego,
que es sabio, fuerte, vivo, ardiente,
acerado e incorruptible.
Alabado sea nuestro hermano que sabe separar
el alma de la carne y el espíritu de las cenizas.

JUANA
¿Por qué? ¡Pueblo mío! ¡Pueblo de Francia!
¿Es verdad que quieren ver a Juana arder viva?

EL PUEBLO
¡Ella se despierta como de un sueño!

JUANA
¿Y ese sacerdote que estaba junto a mí
y me sostenía el libro que leía?
Ya no está aquí. Me abandona, se ha marchadado.
Ya no está aquí... estoy sola.

LA VIRGEN
(por encima de ella)
Juana, Juana, tú no estás sola.

JUANA
Escucho una voz por encima de mí que dice:
¡Juana, tú no estás sola!

EL PUEBLO
¡Juana, Juana, tú no estás sola!
¡Está este pueblo que desde abajo te observa!

JUANA
¡No quiero morir!

EL PUEBLO
Dice que no quiere morir.

JUANA
¡Qué horror!

EL PUEBLO
¡Dice que siente horror! 
¡No es más que una niña, al fin y al cabo!
No es más que una pobre niña.
Dice que siente horror.

UN SACERDOTE
¡Firma entonces! ¡Firma este papel!
¡Confiesa, confiesa que has mentido!

JUANA
Pero, ¿cómo firmar
si mis manos están atadas?

EL SACERDOTE
Te quitarán las cadenas.

JUANA
Hay otras cadenas más fuertes
que me retienen.

EL SACERDOTE
¿Qué cadenas más fuertes?

JUANA
Más fuertes que las cadenas de hierro:
¡
las cadenas del amor!
Es el amor lo que ata mis manos
y me impide firmar.
Es la verdad, la que me ata las manos
y me impide firmar.
¡No puedo! ¡No puedo mentir!

LA VIRGEN
Juana, Juana, confía
en el fuego que te liberará.

CORO
Sea alabado nuestro hermano el fuego,
que es puro, ardiente, vivo, penetrante,
acerado, invencible,
irresistible e incorruptible.
Alabado sea nuestro hermano el fuego,
capaz de restituir el espíritu al espíritu
y la ceniza, la ceniza, la ceniza a la tierra.

JUANA
¡Madre! ¡Madre que estás en las alturas!
¡Ah, le temo al fuego que daña!

CORO
¡Alabado sea nuestro hermano
el fuego que es sabio y fuerte!
¡Alabado sea nuestro hermano el fuego,
que sabe separar el alma de la carne!
¡Juana por debajo de Juana!
¡Llama por debajo de la llama!

LA VIRGEN
Dices que tienes miedo del fuego
y ya lo han pisado tus pies.

JUANA
Esta gran llama,
esta horrible llama,
¿será acaso, mi vestido de novia?

LA VIRGEN
¿Pero no es Juana misma una gran llama?
Ese cuerpo perecedero,
¿podrá acaso retener para siempre
a mi hija Juana?

CORO
¡Alabada sea nuestra hermana la llama
que es pura, fuerte, viva, acerada, elocuente,
invenciblee irresistible!
¡Alabada sea nuestra hermana la llama,
que está viva!
Alabada sea nuestra hermana Juana 
que es santa, recta, viva, apasionada, elocuente,
ávida, invencible y deslumbrante!

LA VIRGEN
¿No debe el fuego arder?
Esta gran llamarada en el centro de Francia,
¿no es preciso que arda?

CORO
¡Alabada sea nuestra hermana Juana,
que se eleva ante nosotros como una llama
en el centro de Francia!

LA VIRGEN, MARGARITA, CATALINA
(desde el cielo, con ternura)
¡Juana! ¡Juana! ¡Juana! ¡Hija de Dios! ¡
¡Ven! ¡Ven! ¡Ven!

JUANA
¡Estas cadenas aún me retienen!

CORO
¡Allí está la alegría, que es la más fuerte!
¡Está el amor, que es el más fuerte! 
¡
Está Dios, que es el más fuerte!

JUANA
¡Me voy! ¡Me voy! ¡Ya las corto!
¡Ya las he roto!

(rompe sus cadenas)

CORO
¡La cadena que ataba Juana, a Juana!
¡La cadena que ataba el alma al cuerpo!

JUANA
¡Allí está la dicha, que es la más fuerte!
¡Está el amor, que es el más fuerte!

MARGARITA,
(en el cielo)
¡Hi!... ¡Ah!...

JUANA
¡Allí está Dios, que es el más fuerte!

CATALINA, VOCES INFANTILES
(en el cielo)
Nadie conoce amor más grande
que el de dar su vida por aquellos que ama.

LA VIRGEN, MARGARITA, CATALINA.
LUEGO EL CORO (Desde la tierra)
(como si deletreasen una inscripción)
Nadie, conoce, amor más grande 
que el de dar su vida por aquellos que ama.

(Más bajo y solemne, como si
meditasen el sentido)

Nadie, conoce, amor más grande 
que el de dar su vida por aquellos que ama.



Digitalizado y traducido por:
José Luís Roviaro 2014